Coucou les bouquinovores! Sans doute connaissez-vous le concept de la série télévisée proposée par Marvel studios, What if...? nous offrant de courtes variations de leurs principales histoires, en employant le principe du Multivers et des Gardiens, observateurs silencieux de toutes ces réalités alternatives. Le show s'inspire d'une version comic book ancienne, où là aussi, en quelques pages, nous avions régulièrement droit à des Et si Elektra n'était pas morte? Et si les Quatre fantastiques n'avaient pas obtenus leurs pouvoirs? Cette version papier était bien entendu plus riche, puisant dans une plus large proposition, mais la série télévisée s'avère plutôt pas mal, alternant entre des thématiques légères, et d'autres plus dramatiques - dramatique façon Disney, n'allons pas non plus nous emballer - Bref. Durant ces dernières décennies de pratiques rôlistes, j'ai toujours aimé employer des réalités alternatives sur le modèle What if...? en particulier avec Planescape, et plus récemment avec mon jeu Infinité temporelle, dont c'est d'ailleurs l'un des piliers. Mais pour arriver à proposer des itérations distordues aux camarades rôlistes, il fallait tout d'abord poser un décors, des intrigues et personnages, afin de donner un peu de profondeur, avant de chambouler tout ça durant des intrigues rocambolesques! Pas évident, en particulier si l'on ne joue qu'en one-shot.
Mais finalement, les livres offrent une alternative toute aussi pertinente que les comic books, et avec ULUJ comme support, nous voici avec de quoi partir dans des réalités alternatives livresques totalement aberrantes!
Et si...? Et si les enfants de Paul et Chani étaient kidnappés? Plutôt que d'être la cible d'un assassinat, et au vue des pouvoirs prophétiques développés par Mua'dib, les oppositions subsistant au sein du Landsraad chercheront peut-être à éliminer leur gardien, Stilgar, puis exfiltrer les enfants vers un lieu secret, à bord d'un prototype de non-vaisseau. Eloignés de leur mère, éduqués différemment, pourquoi pas par les Ixiens ou le Tleilax, Leto II et Ghanima pourraient développer de nouvelles allégeances. Et tandis que les fremen écument la galaxie à leur recherche, animés par une nouvelle quête donnant du sens à leur existence, un clergé débarrassé du poids des prophéties, avec un nouveau prétexte permettant de prolonger la guerre sainte, pourrait finalement basculer, sans contrepoids, vers une théocratie rigide et radicale.
Leto II converti aux croyances du Tleilax? Pas de Sentier d'or, pas d'Empereur-dieu, et quel sinistre avenir pour l'Humanité? Ghanima toujours vivante, posséderait-elle des pouvoirs semblables à ceux de son frère? Les deux réunis pourraient probablement s'affranchir de l'influence de leurs kidnappeurs, resteraient-ils des Atréides? Le Bene Gesserit pourrait-il contrôler deux enfants aux pouvoirs prescients? Voilà déjà des pistes amenant à des chronologies d'un cycle de Dune totalement chamboulées! Imaginez que l'Epice reste sûrement la plus importante des ressources, mais qu'en parallèle, le potentiel génétique de Leto et Ghanima soit révélé, échappant au Bene Gesserit pour devenir un enjeu majeur, avec à la clé des descendants doués de prescience, devenant des armes pour les Grandes maisons du Landsraad, la Guilde ou la CHOM.

Et si...? Et si les Fusionnistes prenaient le pas sur les Spéciens? La très inspirée Audrey Pleynet nous aura proposé un court roman, Rossignol, dans lequel s'entremêlent d'innombrables génotypes, humains et autres. Nous y suivons les péripéties et la tragédie d'une héroïne majo-humania, c'est à dire génétiquement humaine pour une bonne part, et entrons dans un monde fermé en mode cocotte-minute, au sein duquel la tolérance et le laisser-vivre devraient être la norme, mais où des tensions et cette bonne vieille pureté raciale viennent mettre le feu aux poudres. Dans le roman, l'idée du melting-pot nous est présentée telle une utopie, alors pourquoi ne pas tenter l'expérience et mettre de côté les Spéciens, tout du moins les employer comme une sourde menace, tandis que nous pourrions nous focaliser sur des problématiques plus légères, l'intégration de nouveaux hybrides aux capacités destructrices ou trop inadaptés à la vie à bord de la station. L'autrice nous offre ici une occasion de réfléchir à l'acceptation de soi et des autres, le contexte sf et génétique seront de bonnes excuses pour nous éloigner un peu de la réalité, tout en abordant la tolérance et les différences. Plutôt pas mal comme thématiques.
Et si...? Et si c'était Aghoo qui ramenait le feu? Oui alors là, contrairement à l'utopisme génétique proposé plus haut, il s'agirait d'une variation assez sombre du roman de base. Je parle ici de la Guerre du feu, de Joseph-Henri Rosny aîné, écrit au début du XXème siècle et ayant suscité bien des carrières autour de la préhistoire. Nous connaissons essentiellement l'adaptation en film de Jean-Jacques Annaud, le roman appartient en fait à une trilogie, les Âges farouches, nous présentant un monde préhistorique fortement romancé, et basé sur des connaissances désormais dépassées. Cela étant, il n'en reste pas moins un grand classique.
Aghoo, c'est le méchant de l'histoire, une brute épaisse partant chercher le feu pour la tribu Oulhamr, il sera finalement vaincu par le héros, Naoh. Mais imaginons que ce soit Aghoo qui ramène le feu, après avoir cassé le crâne à d'improbables homo erectus, décimé un troupeau de mammouth et s'être fait un collier avec les crocs de tigres à dents de sabre. La tribu serait dès lors soumise à une forme de tyrannie. Il serait dès lors intéressant de voir se construire un scénario dans lequel la brutasse réalise qu'elle dirige la tribu, possède toutes les femmes et les meilleurs morceaux de toutes les prises, mais qu'elle dépend toujours des autres, que c'est sûrement fantastique d'être l'Alpha, mais que l'on doit se sentir bien seul. Plutôt que de chercher à s'affranchir de cette oppression, les personnages pourraient ainsi tenter de lui faire comprendre que le collectif est tout de même plus apte à la survie. Bref, plutôt qu'une résistance employant la violence, tenter de montrer par l'exemple.
Oui je sais, je suis très orienté scénarios pédagogiques, cela vient du fait que justement, j'emploi le jeu de rôle avec des jeunes, et que cela consiste bien à s'amuser en assimilant des concepts malheureusement sur le déclin. Mais vous avez sûrement pigé le principe des What if...? Vous amusez avec vos romans favoris en modifiant un élément de leur chronologie, pour partir sur une multitude de possibilités. Rien ne vous empêche de faire de même avec des univers un peu fouillés de jeu de rôle, même en simple session-flashback, pour proposer à vos camarades un Et si...? le temps d'une session.
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