La Compagnie des glaces

 


Alors oui, je sais qu'il existe déjà une adaptation de cette œuvre en jeu de rôle. Elle remonte à la précédente période glaciaire (1986), et j'ai d'ailleurs écris un article à ce sujet, par ICI. Mais ULUJ se veut avant tout destiné aux novices cherchant à découvrir le loisir du jeu de rôle, je pense donc pouvoir proposer ici de quoi bien démarrer dans cette formidable saga qu'est la Compagnie des glaces.

Forte de près d'une centaine de tomes bien épais, la saga de Georges-Jean Arnaud est la plus imposante écrite par un même auteur. Elle va nous dépeindre une société humaine post-apocalyptique, plongée dans une nouvelle ère glaciaire après que des déchets nucléaires stockés sur la Lune ai immanquablement briser cette dernière, engendrant une chape de poussière bloquant le rayonnement solaire. Après un temps (volontairement) difficile à estimer, une société basée sur le rail s'est finalement développée, reliant des stations sous dômes, laissant émerger une nouvelle civilisation dont le credo est "La mobilité c'est la vie, l'immobilisme, c'est la mort". Toute structure doit ainsi pouvoir se déplacer sur les rails, amenant la naissance de nouvelles castes, comme celle de la Traction, de la Manutention, et bien entendu, celle des Aiguilleurs, qui sera rapidement au cœur de toutes les intrigues.   

Dans cet univers cauchemardesque, nous allons suivre les péripéties de Lien Rag, glaciologue de la Transeuropéenne découvrant des mystères cachés par les actionnaires de la compagnie, et nous permettant d'explorer à son côté un monde dévasté, mais plein de profondeur. C'est ainsi à travers ses questionnements sur les injustices sociales sous les dômes que nous découvrons les Roux, des humanoïdes dont les origines se révèleront plus tard, primitifs et parfaitement adaptés aux conditions infernales de l'ère glaciaire. Sans surprise, la société ferroviaire est déchirée par des conflits anciens et les visées hégémoniques de puissants actionnaires, comme Lady Diana, régnant sur le conseil de la Panaméricaine, ou le Kid, qui fondera la puissante Compagnie de la Banquise, après avoir été patron d'un bordel roulant. Machinations, intrigues à plusieurs niveaux, les secrets de la Compagnie des glaces se révèlent petit à petit, pour être ensuite contestés. 

Ajoutons à tout cela de profonds changements survenant à travers le monde, comme l'émergence des Rénovateurs du soleil, un messie doté de pouvoirs mystiques parmi les Roux, des forces agissant de l'autre côté du ciel croûteux, et nous avons là probablement le meilleur exemple de feuilleton romancé dans le genre de la science-fiction. 

Un premier point positif concernant ce monstre de la littérature est que le monde où se déroule l'essentiel de l'action est le notre. Une épaisse couche de glace recouvre tout, les océans sont gelés, mais grosso-modo, la situation géopolitique est plutôt semblable à celle que nous connaissons actuellement. Les grandes compagnies régnant sur l'Humanité sont la Panaméricaine, la Transeuropéenne ou encore la Sibérienne. L'Africanienne et l'Australasienne sont plutôt des conglomérats de petites compagnies sans grande influence, et la Compagnie de la Banquise, qui naîtra plus tard, sera puissante mais fragile, allant jusqu'à définitivement disparaître durant le Réchauffement. 
Ce miroir déformé de notre monde s'explique par l'exploitation des ressources bloquées durant la Glaciation, en plus d'un fort atavisme que nous retrouvons à travers toutes les époques de l'Histoire. Les grandes compagnies creusent ainsi jusqu'à la surface et ramènent des objets anciens, des combustibles et même de la nourriture gelée à cœur. Nous avons de fait rapidement l'impression d'une société nécrophage, n'ayant conservée que les pires de nos travers pour survivre dans des conditions épouvantables. Les actionnaires vivent à bord de trains gigantesques, autonomes, dans une opulence folle, tandis que les traînes-wagons tentent de ne pas mourir de froid à bord de véhicules mal isolés, recevant le minimum de calories pour ne pas périr. Bien qu'il soit foncièrement scientiste, le récit de la Compagnie des glaces se veut pessimiste et porte un regard dur sur cette humanité s'accrochant encore à la vie, quitte à se dévorer elle-même. 

Toute la technologie est tournée vers le rail, avec des poseuses en mesure de créer rapidement de nombreuses voies à partir de résines bactériennes, de gigantesques villes et usines mobiles, propulsées avec une débauche d'énergie, et dans le même temps, nombreux sont celles et ceux vivant misérablement, à bord de trains-dortoirs, allant d'une station à l'autre en espérant y trouver de quoi se nourrir, se chauffer. La société humaine post-apocalyptique est bien semblable à la notre, avec en plus l'unique possibilité de suivre la voie ferrée, tout autre moyen de déplacement étant proscrit. Rien de bien enchanteur, mais la vérité sur l'état du monde et de la société humaine s'avère encore bien pire, soigneusement dissimulée par des groupes puissants, dont les objectifs vont se révéler lentement. 

Comment jouer dans la Compagnie des glaces?
La structure de la saga est finalement assez simple, elle reprend toutes les recettes habituelles d'une bonne dramaturgie, mais la développe sur un temps long, et à travers plusieurs dizaines de romans. Un premier élément à retenir est le Secret. Il est partout, impalpable mais influençant toutes les grandes décisions des actionnaires, et de celles et ceux qui en connaissent un fragment. Dans la Compagnie des glaces, de nombreuses intrigues imbriquées nous parlent de programmation génétique, d'Opiuchus IV, de station orbitale cauchemardesque et de pas de tir secrets, permettant la liaison entre la surface gelée et un au-delà mystérieux. Sans chercher à reprendre un tel niveau de complexité, il est tout à fait possible d'orienter une ou plusieurs sessions vers des manigances tournant autour de la géopolitique, ou l'utilisation de technologies inconnues. Comme au sein de notre société, des groupes d'actionnaires tenteront de contrôler la situation, d'en tirer le plus de bénéfices possibles, voir, seront au cœur de l'intrigue. Dans un monde pareil, l'extrême violence est monnaie courante, les puissants agissent en toute impunité, et bien entendu, la justice est un outil au service de celles et ceux qui l'enfreignent. 

Les complots, les manigances politiques et les intrigues à plusieurs niveaux, tout ceci se retrouve dans bien des univers de jeu de rôle, et reste au cœur de la majorité des romans que nous lisons. Mais dans la Compagnie des glaces, le second élément important à prendre en compte est la Contrainte. Physique tout d'abord, car le simple fait de s'éloigner d'un train implique une mort brutale quasi certaine. Une brèche dans le dôme d'une station, et c'est la population d'un quartier qui meurt dans l'instant. La technologie est certes partout, omniprésente, mais elle reste fragile, difficile d'accès au commun des mortels. Pire encore, des générations d'humains embarqués dès leur naissance à bord de trains, à provoqué avec l'incessant roulis de nombreux troubles physiologiques, un amoindrissement physique de l'espèce. La contrainte est également sociale, car avec tous nos curseurs poussés à l'extrême, les notions d'entraide et de solidarité ont disparues. Les principaux protagonistes des romans passent difficilement pour des héros et héroïnes, même si l'altruisme peut émerger de toute cette noirceur, il faut garder à l'esprit que nous jouons dans un monde post-apocalyptique, sans soleil, sans moyen de quitter les étroits compartiments d'un train. A côté de cela, une vie à bord du Transperce-neige est une confortable croisière grand luxe. 
 
Avec ces deux axes principaux, nous pouvons déjà partir vers des aventures sombres à souhait, où les bons sentiments n'auront pas lieu d'être et seront perçu comme autant de faiblesses. Le monde de la Compagnie des glaces est dur comme l'enveloppe froide recouvrant le monde. Mais tout ceci ne serait finalement pas très intéressant s'il n'existait pas de pendants à toute cette noirceur. GJ Arnaud amène ainsi régulièrement des relations puissantes entre ses personnages, et bien qu'ils soient régulièrement trahi par les autres, ces liens résistent au temps et à la distance. Nous voyons ainsi apparaître de petites tribus, des familles aux relations compliquées, comme celle des enfants de Lien Rag, Jdrien le Messie des Roux, et Liensun, le Rénovateur du soleil. A noter également que la psychologie des personnages n'est pas très développée dans les romans, leurs réactions restent assez prévisible et les méchants n'ont pas grand chose pour excuser leurs actes, ils sont justes foncièrement mauvais, alors que le plus grand nombre tente juste de survivre dans des conditions extrêmes. 
 
Adaptation à ULUJ
Bien qu'il existe des exceptions, la majorité des personnages dans la Compagnie des glaces n'auront pas une valeur d'Action très élevée. Les humains se rabougrissent en grelotant à bord de trains mal isolés et polluants. De même, la valeur de Drama se voit comme atrophiée, chacun consacrant son énergie à survivre. Ne parlons même pas de l'Audace, qui ne devrait jamais dépasser ◎◎. En vérité, il serait plus juste de limiter la valeur totale des jetons à 7◎.
 
Le froid à l'extérieur des stations tue en quelques minutes, et seuls celles et ceux ayant des équipements fonctionnels et une vie de privilégié.e.s pourront espérer s'en sortir avec seulement de graves traumatismes. Et si ce n'est pas le froid qui tue, il faut préciser que les militaires utilisent tout autant des armes archaïques à projectiles que des lasers, pouvant couper un humain en deux. La combinaison de la fragilité de ces humains de l'ère glaciaire, d'armes toujours aussi mortelles et de l'absence d'infrastructures hospitalières efficaces font que la mort arrivera probablement bien plus rapidement et fréquemment durant les aventures de nos personnages. Nous dirons qu'un fusil laser inflige 8◎, et qu'un équivalent à projectiles 5◎. De quoi inciter les plus audacieux à un peu de diplomatie. 
 
Je ne l'ai pas mentionné avant, un descriptif de l'univers nécessitant quelques dizaines de pages sous sa forme la plus synthétique, mais outre les Roux, méprisés par les Hommes du Chaud, les étendues gelées abritent également des monstres aux origines troubles, et que les plus aventureux désignent du nom de Garous. Bien qu'ils ne forment pas un peuple à part entière, ils détiennent certaines des clés de l'univers complexe de la Compagnie des glaces. Tous ne sont pas de dangereux prédateurs, mais il est assez évident qu'une confrontation avec eux entraînera de grandes souffrances chez les fragiles humains. En matière d'ajustements reflétant la présence des Roux, aussi nommés Hommes du Froid, et des Garous, je pense qu'il faut leur attribuer un pool de 10◎. Avec en prime des Points forts tournant autour de la survie au sein de l'environnement hostile qu'est le monde de l'ère glaciaire.

D'autres époques des romans

Celles et ceux ayant lu les dizaines de romans de la Compagnie des glaces le savent déjà; Il existe plusieurs époques amenant leur lot de bouleversements, qu'elles soient traversées par les personnages principaux durant le cycle central, ou dans la série de romans désignées comme de la Nouvelle époque. Nous avons également les Chroniques glaciaires, pour lesquelles j'ai écris un article, ICI, nous faisant vivre des péripéties au moment ou la Lune explose, durant le premier siècle de la Glaciation, ou un peu plus exotique, sur le monde d'Opiuchus IV, puis à bord d'incroyables léviathans du vide. Bien que tout soit lié, nous nous éloignons un peu trop du thème central de la Compagnie des glaces. 

Cela étant, au sein même du cycle principal, il peut être très intéressant d'incarner les membres d'une cellule de rénovateurs du soleil, cherchant désespérément à percer la croûte de poussières lunaires, soit par la science, soit par des invocations farfelues. Mieux encore, alors que débute le Réchauffement, jouer des individus conditionnés à ne jamais quitter les rails et devant remettre en état la vieille épave rouillée d'un navire des temps jadis, alors que fonds la banquise autour d'eux. Et ne mentionnons même pas la plus probable des envies de vos camarades lorsque vous leur parlerez des dirigeables du soleil, ces compagnies aériennes menaçant jusqu'aux fondements de la société ferroviaire. La Compagnie des glaces est un cycle s'étendant sur plusieurs décades, voyant ses personnages vieillir, mourir, avec toujours des successions d'évènements qu'il sera palpitant de vivre.  

 

N'hésitez pas à me laisser des commentaires constructifs autour de ce passionnant univers livresque, qui n'attends plus que vous pour continuer à vivre à travers de nouveaux héros, de nouvelles héroïnes!

6 commentaires:

  1. J'avais commencé, pourtant une bonne dizaine de bouquins, mais c'est trop énorme! Par contre c'est vraiment un super univers.

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  2. y'en a trop! Tu pourrai faire une sorte de chronologie, ou de présentation des grands évènements?

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  3. Anonyme10/26/2020

    J'avoue ne pas du tout connaître.

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  4. Je connais juste la bd de Jotim, qui est déjà top. L'univers des bouquins à l'air incroyablement dense.

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  5. Je ne connais pas les bouquins, j'en avais vu une douzaine alignés, ça m'avait découragé de commencer!

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